« Ils ne sont pas morts, mais sont-ils toujours vivants ? »

Sur le Roannais, 3000 résidents en Ehpad contaminés par le virus de la solitude

Lettre ouverte et cri d’alarme du Collectif Ehpad Familles 42

M. le Président de la République
M. le Premier ministre
M. le Ministre des Solidarités et de la Santé
Mme. la Ministre déléguée à l’Autonomie

En réaction à la crise sanitaire actuelle, vous avez encore rappelé ces jours les valeurs de la République. Qu’en est-il dans les Ehpad ?

LIBERTE ? Depuis des semaines, voire des mois, les résidents en Ehpad sont privés de liberté au-delà de toute règle éthique. Leur avis, leur consentement à cet état de fait a-t-il été sollicité ?

Les résidents survivent — ou tentent de le faire — assignés à résidence dans leur chambre, confinés dans 14 m2, allant du lit au fauteuil et du fauteuil au lit. Que dire de leur statut de sujet ?

EGALITE ? Nous constatons trop de disparités dans la mise en place des préconisations sanitaires au sein des Ehpads alors que les Agences régionales de santé recommandent de la cohérence et une gradation des mesures en fonction de la réalité dans chaque établissement.

M. le Ministre des Solidarités et de la Santé a récemment rappelé qu’il était opposé, comme M. le Président de la République, à un nouveau confinement dans ces structures. Or, les résidents sont bel et bien confinés.

C’est un confinement qui ne dit pas son nom, avec des visites familiales autorisées au compte-gouttes, 30 minutes seulement par semaine, voire par quinzaine.

Or, du côté des personnes âgées la temporalité n’est pas ressentie de la même manière qu’à 40 ans. A 91 ans et plus, il est légitime de penser et de craindre que ses jours ne soient comptés et une journée peut paraître immensément longue, surtout face à soi-même, captif d’un espace restreint. Quel(le) Français(e), quel homme ou femme voudrait vivre une telle situation ?

Qu’en est-il de sa dignité, en tant que personne, en tant que citoyen(ne) ? De quelle reconnaissance jouit cette personne? Nous tenons à vous rappeler les valeurs inscrites dans la charte des Droits fondamentaux de l’Union Européenne.

Comment ne pas s’indigner de constater que la consultation des Conseils de la vie sociale (loi de 2002 sur la rénovation de l’action sociale), obligatoire pour la mise en œuvre des mesures sanitaires, ne fonctionne pas. Nous avons alerté à plusieurs reprises les Agences régionales de santé en demandant un encadrement des directions à ce niveau alors qu’il suffirait d’en demander le P.V. signé par chaque représentant, pour le savoir. La voix des résidents et de leurs familles n’est pas prise en compte en raison des entraves placées par certaines directions. Ces voix le seraient si la loi était simplement respectée. Peut-on parler d’égalité ? Les familles sont jugées irresponsables, non citoyennes : nos visites en Ehpad sont refusées car « il faut mettre en place du personnel pour les surveiller », nous dit-on.

FRATERNITE ? Les protéger de la COVID ! Dans ces conditions et avec ce traitement inhumain, leur pronostic vital est engagé à court terme. Les résidents se laissent glisser affectivement, fuyant cette vie qui n’en est plus une. A quel espoir, à quel sens se raccrocher ? Quelle violence pour eux et pour leurs proches qui assistent, impuissants, à leur dégradation, dénutrition, tristesse, agonie morale et relationnelle !

Suite à des mesures sanitaires appliquées parfois de façon abusive par les directions, les résidents deviennent des morts-vivants. Ils ne sont pas morts, mais sont-ils toujours vivants ?

Un ancien ministre a dit : « il nous faut préparer la vieillesse que nous voudrions avoir ». Souhaiteriez-vous, pour vous-mêmes, une vieillesse sans marques d’amour comme le vivent les personnes âgées actuellement en Ehpad, en France, en 2020 ? Vont-ils passer Noël tout seuls, comme cela a été le cas pour la fête des pères et la fête des mères ?

Nous sommes très inquiets de constater que les promesses et les demandes d’ouverture des Ehpads exprimées par M. le ministre des Solidarités et de la Santé lors de son annonce du 2 juin dernier n’ont été suivies, en pratique, que de très peu d’effets sur le Roannais.

En vous remerciant de l’attention portée à cette lettre et des réponses que vous y apporterez, veuillez recevoir, Madame et Messieurs les Ministres, Monsieur le Président, nos sentiments respectueux.

Le collectif Ehpad Familles 42

Contact : ehpad.collectif.familles42@gmail.com
Twitter : @Ehpad42

Note : cette lettre envoyée au Président et aux Ministres le 21 octobre a été légèrement modifiée et éditée avant sa mise en ligne le 7 novembre 2020.